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La dispersion du trésor 2 |
Jean Abraham (dit John) Bolle (1807-1856), frère du contre-amiral Edouard Bolle, était un avocat du barreau d’Angoulême, co-fondateur de la Société archéologique et historique de la Charente, au même titre que l’abbé Michon qui venait de révéler le site gallo-romain de Chassenon, après des fouilles et la publication de sa Statistique monumentale de la Charente (1844-1849). John Bolle occupe même de manière éphémère le siège de conservateur du musée de la Société archéologique, dont il reste un membre actif jusqu’à sa mort prématurée, en 1856, à l’âge de 49 ans. On peut s’étonner et regretter que le vase de la Guierce ne soit pas entré dans les collections de la Société archéologique, ou tout du moins que le trésor de la Guierce n’y ait pas été publié. Il faut toutefois rappeler les débuts difficiles de cette société qui se remet péniblement des événements de 1848, et ne publie rien au titre des années 1847 à 1849. A l’époque de la découverte du trésor, John Bolle a déjà été remplacé par Alphonse Trémeau de Rochebrune comme conservateur du musée.(1) Et il garde pour lui le vase acheté aux frères Bissirieix…, mais aussi d’autres objets !
En
effet, Maurice Ardant nous renseigne encore : « M. John
Bolle, d’Angoulême, à qui appartient aujourd’hui ce précieux vase, m’a
mis sous les yeux deux bagues d’or avec camées grossiers en pâte de
verre, où j’ai cru voir un guerrier (Mars peut-être) et un
Mercure ; deux cuillers antiques, l’une d’argent et l’autre de
bronze, et un vase de terre à anses de la forme de ceux où l’on
recueille les cendres des morts. Il m’assura également qu’avec tous ces
objets on lui avait cédé un denier d’argent de Vespasien, revers
Judaea, et un autre d’Antonin le Pieux, revers Annona, Cos. IIII, qu’il
me laissa examiner avec la même obligeance. »
Le fameux vase en bronze émaillé est encore en possession de la veuve
de John Bolle en 1890, comme le signale Ernest Rupin qui produit, dans
son ouvrage L’œuvre de Limoges (1890), un dessin du vase
d’après une photographie communiquée par Mme veuve Bolle. Puis on perd
sa trace jusqu’en 1931, où il réapparaît dans le commerce
parisien, pour être vendu au célèbre collectionneur Joseph Brummer
(1883-1947).
Ce dernier, d’origine hongroise, est un élève de Matisse, ami et
collectionneur de Henri Rousseau (« le Douanier ») qui peint
son portrait en 1909. C’est l’année où Joseph Brummer ouvre une galerie
à Paris qui fait connaître l’art africain, la peinture moderne et
l’œuvre de Rodin. En 1921, il ouvre aussi une galerie à New York, avec
son frère Ernest. Dans les années 20 et 30, il constitue une
impressionnante collection personnelle d’œuvres d’art, parmi lesquelles
150 pièces dont il refuse de se séparer de son vivant, dont le vase de
la Guierce. Au lendemain de sa mort, en 1947, Ernest Brummer et son
épouse Beata donnent l’essentiel de sa collection au Metropolitan
Museum of Art de New York. Ce musée avait ouvert, dès 1925, une section
consacrée aux émaux, grâce à un legs de John Pierpont Morgan en 1913.
C’est ainsi que William H. Forsyth, grand spécialiste américain des
émaux, peut écrire : « En 1947, le Metropolitan Museum a
acquis de la propriété de Joseph Brummer quatre pièces émaillées d’un
intérêt extraordinaire… Parmi ces quatre pièces, une est déjà célèbre…
La pièce la plus connue est un vase découvert dans la première moitié
du XIXe siècle à la Guierche ou la Guierce, un village situé à 35 miles
à l’ouest de Limoges. » (Forsyth, 1950)
On notera la disparition du grand vase de bronze à anses ornées de
masques ou têtes (Fortuné Parenteau le signalait à la Roche-sur-Yon) et
du vase de terre à anses « de la forme de ceux où l’on recueille
les cendres des morts », dont parle Maurice Ardant. Que sont
devenus aussi les objets que Fortuné Parenteau énumère dans son
inventaire de 1878 ? « Ce dépôt renfermait, si j’en crois les
renseignements donnés par M. Maurice Ardant, des objets
splendides : vases d’argent, aiguières couvertes de dessins en
reliefs et de ciselures, quelque chose d’analogue à la découverte de
Berthouville (2) ; des patères en bronze et de nombreux anneaux
d’or portant au chaton des pierres rouges gravées en intailles,
représentant des sangliers, des cuillers d’argent, des bracelets d’or,
etc… » (1)
Ce même Alphonse Trémeau de Rochebrune réalise le premier dessin du
vase de la Guierce, publié par Maurice Ardant en 1855 à Limoges. |
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