10 mai 1944

Un avion britannique s’écrase au Groslaud,
près de Chabanais.



(1ère partie - suite)



11mai 1944 (suite) : Ainsi, ce sont bien les maquisards de Pressignac, stationnés à Pompère (plus tard, ils iront à l’Age d’Etagnac, puis à Pressac, où ils passeront sous le commandement du fameux « colonel Bernard ») (Bernard Le Lay) qui sont venus au Groslaud, distant d’environ 5 km, récupérer le matériel , les armes et les munitions qui se trouvaient dans l’avion. Ils étaient accompagnés par deux des sept occupants du « Halifax », sans doute Coldridge et Medland.

L’un de ces deux hommes fut d’ailleurs hébergé par le facteur de Pressignac, pour au moins quelques heures, comme en témoigne son neveu, Camille Vigier. Ce dernier, jeune étudiant à Lyon, venant de passer, avec succès, le concours d’entrée à Centrale, arrivait à la gare de Chabanais ce 11 mai 1944. Son oncle facteur, Henri Vigier, l’attendait avec sa bicyclette verte, dont les sacoches servaient de boîte aux lettres aux résistants, et une autre bicyclette. Tous les deux partirent pour Pressignac, distant de 6 km. En passant au Groslaud, Henri montra à Camille la carcasse de l’avion. Puis les deux hommes rentrèrent dans leurs familles respectives . Mais le lendemain matin, quelle ne fut pas la surprise de Camille, qui, rendant visite à son oncle, se trouva nez à nez avec un aviateur étranger assis près de la cheminée. Ce dernier eut un sursaut de frayeur, mais Henri le rassura et fit promettre à son neveu de ne rien dire de cette rencontre. Le secret fut si bien gardé que même les enfants du facteur ignorèrent l’hébergement de ce visiteur, qui fut ensuite caché pendant une semaine par un autre habitant de Pressignac, impliqué lui aussi dans la Résistance : Jean Karpovitch, dit «  Jean Polonais », un métayer du Bonéthève, « homme remarquable à tous égards », comme le disent encore plusieurs personnes, tant il a laissé un souvenir durable.


Épilogue : Les aviateurs canadiens et anglais du « Halifax » MA-W, restèrent divisés en deux groupes, connurent des fortunes diverses, mais survécurent à cet épisode dramatique de la Seconde Guerre Mondiale . Ils purent même tous regagner l’Angleterre.

Si le sergent Clark dut attendre la fin du conflit pour être libéré, en tant que prisonnier de guerre, ses amis Evans, Jones et Black restèrent trois mois au milieu des maquis de Dordogne puis du Limousin, les aidant même à repousser une attaque allemande, et les instruisant en matière de maniement d’armes et de réception de parachutes. Ils réussirent à entrer en contact avec un officier britannique, « captain Jack », qui les fit rapatrier à Tempsford par un avion américain qui décolla de l’aérodrome de Limoges le 28 août 1944, soit juste une semaine après la libération de la ville par les maquisards de Georges Guingouin (21 août).

Quant à Coldridge et Medland, pris en charge par d’autres maquis limousins, puis par des résistants parisiens, ils rentrèrent eux aussi en Angleterre, le 6 septembre 1944, mais après un périple qui les mena vers Paris, puis Madrid et Gibraltar.

D.A Lennie rentra lui aussi sain et sauf, mais on ne sait comment.

Aujourd’hui, en 2006, à notre grande surprise, il reste un survivant de cette épopée. Ses six camarades sont décédés depuis plus ou moins longtemps, mais le commandant de bord du « Halifax » MA-W, A. Stanley Coldridge, vit toujours ! Il réside au Canada, dans la région de Calgary (Alberta). Richard Rose a réussi à le contacter par « mail ». Il a répondu que sa santé s’est détériorée, que ses souvenirs sont flous et que ses archives ne sont , pour l’instant, pas consultables. Il se souvient cependant fort bien de Rochechouart, Saint-Junien, Dournazac et Chabanais. Il indique avec beaucoup d’émotion qu’il est passé à Oradour-sur-Glane, en compagnie des maquis, le 14 juin 1944, soit quatre jours seulement après l’épouvantable massacre. « What a horror that was ! » (quelle horreur c’était!) écrit-il !

Nous conclurons en disant que si le massacre d’Oradour, et la guerre en général, furent des « horreurs », il y eut aussi de belles pages d’héroïsme et de fraternité entre résistants et soldats alliés, comme cet épisode peu connu et étonnant de mai 1944, nous le montre.

Remerciements à Richard Rose, Robin Rose ; aux internautes : A.S Coldridge, Bob Body, Linzee, Jack Galbraith (officier canadien qui participa lui aussi à l’opération « Percy 3 », mais sur un autre « Halifax »), Martin White (neveu du sergent Jones) ; aux enfants de Henri Vigier ; à Camille Vigier ; à José Délias. Leurs recherches, leurs messages, leurs archives, leurs souvenirs, nous ont permis de rédiger ces quelques pages, afin que ces événements et ces hommes ne sombrent pas dans l’oubli, mais restent présents dans nos mémoires.

Pressignac, mars 2006
© André Berland.



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