10 mai 1944

Un avion britannique s’écrase au Groslaud,
près de Chabanais.



(1ère partie - suite)



10 mai 1944 : Alors qu’il entreprend de remonter vers Tempsford, comble de malheur, un deuxième moteur « tombe en carafe ». Avec seulement deux moteurs, plus question de rentrer à la base. La seule chance est de pouvoir atterrir quelque part ou de sauter en parachute.

Il tente un ultime pari : voler droit vers l’Ouest, vers l’océan, afin d’espérer se poser ou sauter au plus près d’un port et d’un bateau qui les ramènerait en Angleterre.

L’avion perd de l’altitude, mais il vole encore. Cependant, en approchant de Rochechouart, il en arrive à raser les collines. Il est près de deux heures du matin. Il faut sauter ! Après avoir stabilisé l’avion en vol horizontal, vérifié les parachutes, il faut progresser vers la porte et sauter dans la nuit. Par miracle, le parachutage se passe relativement bien, malgré l’atterrissage au milieu des arbres de la grande forêt de Rochechouart. Mais ils vont être séparés les uns des autres, et l’un d’entre eux, le sergent Clark, a la malchance de se casser une jambe en touchant le sol.

Quant au « Halifax », il poursuit sa route sans pilote, pendant 5 ou 6 km, mais en perdant régulièrement de l’altitude, (le jeune Robert Vigier, en villégiature chez sa tante à Biennac, près de Rochechouart, l’entendit passer très bas, au ras des maisons) jusqu’à ce qu’il finisse par heurter la cime des arbres de la ferme du Groslaud, tout près de Chabanais, s’écrasant dans un champ de pommes de terre, sans prendre feu, mais en réveillant en sursaut les fermiers.

Peu de temps après, le facteur de Pressignac, Henri Vigier, passant à bicyclette très tôt le matin pour aller chercher le courrier à Chabanais, aperçoit un petit attroupement autour d’un avion disloqué. Il s’approche, constate qu’il n’y a personne à bord, mais que l’essence « pisse » des réservoirs percés.

Cette essence ne sera pas perdue pour tout le monde, puisque parmi les premiers badauds venus de Chabanais tout proche, et sans doute réveillés par le bruit du crash, il y a des miliciens qui s’empressent de pomper le précieux liquide.

Quant aux gendarmes de Chabanais, ils ne sont prévenus qu’en début de matinée. Le commandant arrive avec deux gendarmes qu’il laisse en faction pour garder l’appareil. Eux aussi constatent qu’il n’y a personne à bord. Seuls des paquets de journaux attirent leur attention : il s’agit de numéros du « Courrier de l’Air », journal imprimé en Angleterre par les services du général de Gaulle, destinés à être parachutés avec les «  containers », mais qui sont restés dans l’avion.

Pendant ce temps, nos aviateurs, après être restés cachés dans la forêt de Rochechouart, finissent par se rapprocher les uns des autres et par former deux petits groupes qui entrent très rapidement en contact avec les résistants locaux qui utilisaient eux-mêmes la forêt pour se cacher. Les uns (ils sont trois) vont être dirigés vers la Dordogne proche (à la Bucherie, près de Saint-Saud-La Coussière) et seront pris en charge par le « Bataillon Rac », célèbre mouvement de Résistance dirigé par le « capitaine » Rodolphe Cézard, dit « Rac ». Les deux ou trois autres (car on ne connaît pas exactement le sort de D.A Lennie) vont aller vers Pressignac, en Charente, au sein d’un groupe FTP issu de la forêt de Rochechouart, qui avait « émigré » dans les carrières de Pompère et les bois du Bonéthève, sous la direction du lieutenant Marc Beaulieu (de son vrai nom, André Bailly). Or, Pressignac est tout près du Groslaud, et comme le facteur de Pressignac apporte régulièrement aux maquisards, nourriture, courrier et…renseignements, il leur raconte qu’il y a vu un avion anglais accidenté. Ils décident alors de s’y rendre, en compagnie des deux aviateurs qui viennent d’arriver.

Seul, le malheureux sergent Clark, blessé à la jambe, ne sera pas récupéré. Il se traînera jusqu’à la gendarmerie de Saint-Laurent-sur- Gorre (Haute-Vienne), où il se constituera prisonnier, le soir du 10 mai.

C’est l’adjudant-chef Martignon, commandant la section de gendarmerie de Confolens qui le signale dans son rapport du 11 mai 1944. Mais il faut consulter son second rapport, celui du 13 mai, pour connaître les événements du 11 mai. Le témoignage d’un gendarme de Chabanais, Ambroise Valeyrie, ainsi que celui du commandant de la Bastide, nous renseignent aussi.

© André Berland - 2006


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