9 mai 1944 :
Un « Halifax » V LL183 MA-W, appartenant au 161e
« squadron » (escadron) de la R.A.F (Royal Air Force),
décolle de l’aérodrome de Tempsford, en Angleterre, à 22h 42.
À son
bord, un équipage de 7 hommes : quatre Canadiens de la R.C.A. F
(Royal Canadian Air Force), l’officier commandant de bord, A. Stanley
Coldridge, les officiers D.A Lennie, R.C Evans, H.D Medland. Trois
sous-officiers anglais de la R.A.F : les sergents E. Jones, H.
Blackett, R. Clark.
Leur
mission porte le nom de code « Opération Percy 3 ». Il s’agit
de parachuter des « containers » d’armes , munitions,
matériel radio, argent, tracts, etc. aux maquisards de la région de
Brive-la Gaillarde, en Corrèze. Quatre autres « Halifax »
sont de l’expédition.
Pendant qu’ils volent vers leur objectif,
quelques précisions sur leurs avions, leur aérodrome et sur ce type de
mission.
C’est à la fin de l’année 1939, à la demande du ministère de l’air
britannique, que furent livrés à la R.A.F, les premiers exemplaires du
bombardier quadrimoteur « Halifax », construit par la société
Handley Page. Le « Halifax » fut le deuxième bombardier
quadrimoteur à entrer en service, trois mois après le
« Stirling », et près d’un an avant le célèbre
« Lancaster ».
Sa première mission eut lieu dans la nuit du 10 au 11 mars 1941, sur Le
Havre. Ce bombardier fut l’un des piliers de la R.A.F et du
« bomber command ». 6178 appareils furent fabriqués de 1939 à
1945. Ils effectuèrent plus de 75 000 sorties. Il n’en reste plus aucun
en état de voler aujourd’hui.
Il y eut plusieurs variantes, allant du M.K I au M.K VI. L’avion du
commandant Coldridge était un M.K V, monoplan à deux dérives, doté de
quatre moteurs à hélices « Packard Merlin » (version
américaine du Rolls-Royce Merlin). Son envergure était de 31,60
m ; sa longueur 21,80 m ; sa hauteur 6,10 m. Il possédait une
tourelle de nez à deux mitrailleuses et une tourelle dorsale ou
caudale, selon les versions, à deux mitrailleuses. Son équipage de 7
hommes comprenait le pilote, le navigateur, le bombardier (ou le
largueur de « containers »), le radio, le mécanicien, le
mitrailleur supérieur, le mitrailleur arrière. Vitesse maximale :
500 km/h. Plafond : 7 000 m. Autonomie de 14 h , permettant
un vol d’environ 4 000 km. Il pouvait emporter quatre tonnes de bombes
ou 15 « containers ».
Chaque aviateur emportait son « escape box » (sa boîte de
survie) qui renfermait une carte des régions traversées, des pilules
vitaminées, d’autres pour désinfecter l’eau, des lames de rasoir pour
se raser…ou découper la tige de ses bottes et les transformer en
chaussures attirant moins l’attention, de l’argent du pays survolé, et
parfois des capsules de cyanure lorsqu’il s’agissait d’agents secrets…
Or, le terrain d’aviation de Tempsford, d’où le « Halifax »
venait de décoller, était justement un terrain réservé aux missions
secrètes du S.O.E (service operations executive), les fameux services
spéciaux britanniques. Leur rôle était, tout d’abord, de former et
d’envoyer en Europe occupée des équipes de saboteurs, puis d’organiser
la Résistance, et enfin de la ravitailler en matériel, armes et argent,
par des parachutages d’hommes et de « containers ». Ils
pouvaient aussi récupérer des agents secrets, des aviateurs rescapés de
crash ou des personnalités de la Résistance, en envoyant des petits
monomoteurs « Lysander », qui se posaient de nuit sur des
terrains de fortune balisés par les torches des résistants. L’ensemble
des opérations du S.O.E sur la France était coordonnée par le célèbre
colonel Buckmaster.
Le petit aérodrome militaire de Tempsford avait été construit à la
hâte, entre 1940 et 1942, comme des centaines d’autres en Angleterre.
Situé à 50 km au Nord de Londres, en pleine campagne du Bedfordshire,
il est redevenu une exploitation agricole en 1947. Seul, un petit
hangar, transformé en musée, rappelle encore son souvenir.
Il abritait deux « squadrons » : le 161e, commandé en
1944 par le commandant Boxer, et le 138e par le commandant Burnett. Au
total, une quarantaine d’avions, des bimoteurs « Whitney » au
début, puis très vite des quadrimoteurs « Halifax » qui
partaient en mission, surtout par les nuits de pleine lune, vers la
France, mais aussi la Hollande, la Norvège, la Tchécoslovaquie, la
Pologne, c’est-à-dire partout où la Résistance s’organisait.
À partir de Tempsford, de 1942 à 1945, 29 000 « containers »
furent largués, 10 000 paquets, 995 agents. Mais avec un coût, matériel
et humain, terrible : 70 avions perdus, abattus par l’ennemi ou
victimes de pannes, la plupart de leurs équipages tués. La plupart,
mais pas tous, comme nous allons le voir…
À bord du « Halifax » MA-W du commandant Coldridge, surtout des
Canadiens, car ils étaient les plus nombreux à Tempsford, tous
officiers de la R.C.A.F, alors que les sous-officiers étaient
britanniques. Ila avaient eu un problème au départ de Tempsford :
ils appartenaient au 138e « squadron », mais leur
« Halifax » étant en panne, ils avaient dû emprunter le MA-W
au 161e « squadron ».
Il faut croire qu’il n’était pas
lui-même très au point, puisque peu après le départ, sans doute après
avoir franchi la Manche, un des quatre moteurs tombe en panne !
Deux possibilités : faire demi-tour ou continuer avec trois
moteurs . C’est cette dernière solution que choisit Coldridge,
malgré les risques (ralentissement, risque d’une autre panne).
Il poursuit donc son vol, dont le nom de code est « Christ
two », vers sa cible, codée « C » (Charlie), située près
de Brive-la-Gaillarde. Il ne sait pas que quatre autres
« Halifax » volent vers le même objectif, avec à leur bord ,
d’autres « containers » à parachuter pour aider les
résistants de Corrèze, particulièrement nombreux et bien organisés.
Il y arrive un peu après minuit, et largue son chargement sans problèmes.
© André Berland - 2006
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