10 mai 1944

Un avion britannique s’écrase au Groslaud,
près de Chabanais.



(1ère partie - suite)



9 mai 1944 : Un « Halifax » V LL183 MA-W, appartenant au 161e « squadron » (escadron) de la R.A.F (Royal Air Force), décolle de l’aérodrome de Tempsford, en Angleterre, à 22h 42.

À son bord, un équipage de 7 hommes : quatre Canadiens de la R.C.A. F (Royal Canadian Air Force), l’officier commandant de bord, A. Stanley Coldridge, les officiers D.A Lennie, R.C Evans, H.D Medland. Trois sous-officiers anglais de la R.A.F : les sergents E. Jones, H. Blackett, R. Clark.

Leur mission porte le nom de code « Opération Percy 3 ». Il s’agit de parachuter des « containers » d’armes , munitions, matériel radio, argent, tracts, etc. aux maquisards de la région de Brive-la Gaillarde, en Corrèze. Quatre autres « Halifax » sont de l’expédition.

Pendant qu’ils volent vers leur objectif, quelques précisions sur leurs avions, leur aérodrome et sur ce type de mission.

C’est à la fin de l’année 1939, à la demande du ministère de l’air britannique, que furent livrés à la R.A.F, les premiers exemplaires du bombardier quadrimoteur « Halifax », construit par la société Handley Page. Le « Halifax » fut le deuxième bombardier quadrimoteur à entrer en service, trois mois après le « Stirling », et près d’un an avant le célèbre « Lancaster ».

Sa première mission eut lieu dans la nuit du 10 au 11 mars 1941, sur Le Havre. Ce bombardier fut l’un des piliers de la R.A.F et du « bomber command ». 6178 appareils furent fabriqués de 1939 à 1945. Ils effectuèrent plus de 75 000 sorties. Il n’en reste plus aucun en état de voler aujourd’hui.

Il y eut plusieurs variantes, allant du M.K I au M.K VI. L’avion du commandant Coldridge était un M.K V, monoplan à deux dérives, doté de quatre moteurs à hélices « Packard Merlin » (version américaine du Rolls-Royce Merlin). Son envergure était de 31,60 m ; sa longueur 21,80 m ; sa hauteur 6,10 m. Il possédait une tourelle de nez à deux mitrailleuses et une tourelle dorsale ou caudale, selon les versions, à deux mitrailleuses. Son équipage de 7 hommes comprenait le pilote, le navigateur, le bombardier (ou le largueur de «  containers »), le radio, le mécanicien, le mitrailleur supérieur, le mitrailleur arrière. Vitesse maximale : 500 km/h. Plafond : 7 000 m. Autonomie de 14 h , permettant un vol d’environ 4 000 km. Il pouvait emporter quatre tonnes de bombes ou 15 « containers ».

Chaque aviateur emportait son « escape box » (sa boîte de survie) qui renfermait une carte des régions traversées, des pilules vitaminées, d’autres pour désinfecter l’eau, des lames de rasoir pour se raser…ou découper la tige de ses bottes et les transformer en chaussures attirant moins l’attention, de l’argent du pays survolé, et parfois des capsules de cyanure lorsqu’il s’agissait d’agents secrets…

Or, le terrain d’aviation de Tempsford, d’où le « Halifax » venait de décoller, était justement un terrain réservé aux missions secrètes du S.O.E (service operations executive), les fameux services spéciaux britanniques. Leur rôle était, tout d’abord, de former et d’envoyer en Europe occupée des équipes de saboteurs, puis d’organiser la Résistance, et enfin de la ravitailler en matériel, armes et argent, par des parachutages d’hommes et de «  containers ». Ils pouvaient aussi récupérer des agents secrets, des aviateurs rescapés de crash ou des personnalités de la Résistance, en envoyant des petits monomoteurs « Lysander », qui se posaient de nuit sur des terrains de fortune balisés par les torches des résistants. L’ensemble des opérations du S.O.E sur la France était coordonnée par le célèbre colonel Buckmaster.

Le petit aérodrome militaire de Tempsford avait été construit à la hâte, entre 1940 et 1942, comme des centaines d’autres en Angleterre. Situé à 50 km au Nord de Londres, en pleine campagne du Bedfordshire, il est redevenu une exploitation agricole en 1947. Seul, un petit hangar, transformé en musée, rappelle encore son souvenir.

Il abritait deux « squadrons » : le 161e, commandé en 1944 par le commandant Boxer, et le 138e par le commandant Burnett. Au total, une quarantaine d’avions, des bimoteurs « Whitney » au début, puis très vite des quadrimoteurs « Halifax » qui partaient en mission, surtout par les nuits de pleine lune, vers la France, mais aussi la Hollande, la Norvège, la Tchécoslovaquie, la Pologne, c’est-à-dire partout où la Résistance s’organisait.

À partir de Tempsford, de 1942 à 1945, 29 000 « containers » furent largués, 10 000 paquets, 995 agents. Mais avec un coût, matériel et humain, terrible : 70 avions perdus, abattus par l’ennemi ou victimes de pannes, la plupart de leurs équipages tués. La plupart, mais pas tous, comme nous allons le voir…

À bord du « Halifax » MA-W du commandant Coldridge, surtout des Canadiens, car ils étaient les plus nombreux à Tempsford, tous officiers de la R.C.A.F, alors que les sous-officiers étaient britanniques. Ila avaient eu un problème au départ de Tempsford : ils appartenaient au 138e « squadron », mais leur « Halifax » étant en panne, ils avaient dû emprunter le MA-W au 161e « squadron ».

Il faut croire qu’il n’était pas lui-même très au point, puisque peu après le départ, sans doute après avoir franchi la Manche, un des quatre moteurs tombe en panne ! Deux possibilités : faire demi-tour ou continuer avec trois moteurs . C’est cette dernière solution que choisit Coldridge, malgré les risques (ralentissement, risque d’une autre panne).

Il poursuit donc son vol, dont le nom de code est « Christ two », vers sa cible, codée « C » (Charlie), située près de Brive-la-Gaillarde. Il ne sait pas que quatre autres « Halifax » volent vers le même objectif, avec à leur bord , d’autres «  containers » à parachuter pour aider les résistants de Corrèze, particulièrement nombreux et bien organisés.

Il y arrive un peu après minuit, et largue son chargement sans problèmes.

© André Berland - 2006


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