LES PROBLÈMES D’UNE ZONE FRONTALIÈRE.
Le cas de Chassenon et de Pressignac,
longtemps écartelés entre Angoumois, Poitou et Limousin.
(fin)


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Le préfet de la Charente, reprenant textuellement l’avis du sous-préfet, conclura apparemment définitivement cette affaire en ces termes :  « D’après les observations ci-dessus, le préfet de la Charente est d’avis que la demande formée par les conseils municipaux des communes de Chassenon et de Pressignac soit rejetée ainsi qu’elle l’a déjà été en 1817, attendu que cette demande n’est appuyée d’aucun nouveau motif qui la rende susceptible d’être favorablement accueillie, et que le changement de circonscription sollicité ne serait d’aucun avantage réel pour ces deux communes. » (19 mars 1825).

Cependant, en 1837, sous Louis-Philippe, une nouvelle revendication de rattachement de Chassenon à Rochechouart est lancée… mais cette fois par Rochechouart ! En effet, le 24 décembre 1837, le conseil municipal reçoit une lettre de M. Périgord, conseiller à Limoges, qui avait des attaches familiales à Chassenon et à Rochechouart, demandant de vérifier si les villages de Villegoureix, Epenèdre, Machat, Noaillas, Londeix, La Péladie, La Brosse, Champonger et Laurière étaient bien portés sur l’arpentement de 1756, et, au cas où ils n’y seraient pas, suggérant qu’ils pourraient être rattachés à la commune de Rochechouart. En réalité, M. Périgord savait très bien que ces villages avaient fait partie autrefois de l’enclave du Poitou, comme Rochechouart, et prenait ce prétexte pour tenter un agrandissement du territoire de la sous-préfecture !
Mais le conseil municipal de Chassenon flaira vite le mauvais coup et demanda au sous-préfet de Confolens « de ne point distraire les dits villages de la commune ».

Nouvelle offensive de M. Périgord en 1838, réclamant ouvertement « que la commune de Chassenon soit rattachée à l’arrondissement de Rochechouart ». De nouveau, Chassenon demanda au sous-préfet « que la commune ne soit pas distraite de la Charente ». On avait donc fini, à Chassenon comme à Pressignac, par s’habituer à ce département et à cet arrondissement !

Et pourtant, beaucoup plus tard, en 1972, le conseil municipal de Chassenon (maire Emile Bissirieix) reprit la vieille revendication des XVIIIe et XIXe siècles, demandant même la fusion avec Rochechouart ! Par ce coup d’éclat médiatique, le maire voulait sans doute montrer que la régionalisation, qui plaçait désormais Chassenon en Poitou-Charentes, n’avait pas que des bons côtés, surtout lorsque le Limousin voisin obtenait des subventions supérieures en matière de rénovation rurale.

En 2003, l’énoncé de ces contestations prête à sourire, mais il ne faut pas oublier qu’elles ont passionné nos ancêtres et que, si elles avaient été exaucées, Pressignac et Chassenon seraient aujourd’hui en Haute-Vienne et en Limousin, et non pas en Charente et en Poitou-Charentes. Peu importe, me direz-vous ! Pas si sûr, quand on sait que les départements et les régions ont encore des « frontières » difficilement effaçables…sans parler du centre du cratère de la météorite de Rochechouart-Chassenon-Pressignac et du plan d’eau de Lavaud-La Guerlie qui ont la malchance d’être à cheval sur trois communes, deux départements et deux régions, ce qui ne facilite pas vraiment leur exploitation touristique !


© André BERLAND



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