LES PROBLÈMES D’UNE ZONE FRONTALIÈRE.
Le cas de Chassenon et de Pressignac,
longtemps écartelés entre Angoumois, Poitou et Limousin.
(suite)


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Plus précisément, ce sont les villages de Bors (en partie), le Bournet, la Martinie, Mandat, le Moulin-Paute (en partie),Valette, Fontcevéranne, Fougeras, Pers, le Bouchet, la Judie, la Gardette et Vouéras (en partie), pour la paroisse de Pressignac, et les villages de Villegoureix, Nouaillas, Machat, la Péladie, Laurière, Champonger, Epenèdre, Londeix, Brethenoux, la Brosse pour la paroisse de Chassenon, qui vont se retrouver dans la vicomté de Rochechouart, alors que les bourgs et les autres villages seront dans la principauté de Chabanais.
En outre, la vicomté de Rochechouart, et avec elle la partie orientale de nos paroisses, va faire partie de  « l’enclave du Poitou », territoire sous la juridiction du comte de Poitiers, s’étendant à partir de Charroux et Mortemart vers le sud, jusque vers Oradour-sur-Vayres, séparant en quelque sorte le Limousin de l’Angoumois. Seule une étroite bande de terre, de Saint-Junien à Etagnac, sur la rive droite de la Vienne, portant la grande route de Limoges à Angoulême, permettait de relier le Limousin à l’Angoumois, et coupait ainsi cette enclave poitevine en deux !

La création de la généralité de Limoges en 1588, confirmera cet état de choses. Les parties occidentales de Chassenon et Pressignac dépendront désormais de l’élection d’Angoumois, rattachée à la généralité de Limoges, alors que les parties orientales dépendront de la généralité de Poitiers, et plus tard, de l’élection de Confolens.
Ceci perdurera jusqu’à la Révolution. Deux exemples concrets le prouvent : en 1756, seules les parties occidentales des deux paroisses sont arpentées, l’arpenteur, Jean Massoulard, se gardant bien d’aller au-delà « du chemin qui sépare l’Angoumois avec le Poitou ». Quant à la carte de Cassini, elle montre clairement, en gros pointillés, la frontière entre l’Angoumois et le Poitou, serpentant à travers les villages de Pressignac et de Chassenon, à la fin du XVIIIe siècle.

Et puis vint la Révolution de 1789. On sait que la grande réforme administrative de la Constituante découpa la France en 83 départements, eux-mêmes divisés en districts, cantons et communes. C’est alors que, d’autorité, sans avoir été mises au courant des marchandages sordides qui prévalurent au plus haut niveau, les nouvelles communes de Chassenon et Pressignac furent mises « en entier » dans le département de la Charente, district de Confolens, canton de Chabanais, malgré les protestations des habitants de leur territoire oriental, habitués depuis longtemps à dépendre administrativement de Rochechouart et de Poitiers, et se sentant de toutes façons plus limousins que charentais par leur langue et leurs traditions.

À Chassenon, une pétition fut adressée aux directoires de Saint-Junien et de Limoges, ainsi qu’à l’Assemblée Nationale : « Un membre du bureau du directoire de la Haute-Vienne fait lecture d’une adresse de la commune de Chassenon à l’Assemblée Nationale, par laquelle elle demande à être séparée et distraite du district de Confolens, département de la Charente, pour être réunie au district de Saint-Junien. ( C’est seulement en 1800 que Rochechouart deviendra chef-lieu d’arrondissement, à la place de Saint-Junien. NDLR). Le même membre a pareillement fait lecture d’un mémoire adressé par la même commune au district de Saint-Junien, avec l’avis du directoire du district, par lequel le département est prié d’employer tous les moyens qui sont en son pouvoir pour obtenir et faciliter la distraction et réunion demandée ». ( Cité par l’abbé Granet, in « Récit de la vie de l’abbé Vignaud » 1890).

Une pétition semblable fut elle aussi adressée par Pressignac, mais resta sans réponse, comme la précédente, car l’Assemblée Nationale fut submergée de réclamations de ce genre, et ne put répondre à toutes.
En revanche, à Pressignac, les choses prirent une drôle de tournure, lorsqu’il s’agit d’élire la nouvelle municipalité. Le 7 février 1790, dans l’église paroissiale, les habitants entendirent le sieur François Dupont de la Serve (ou Dupont-Lasserve), bourgeois, propriétaire au Petit Chalais et au Grand Chalais, apparenté aux innombrables et célèbres Dupont de Chabanais, leur expliquer qu’il fallait élire une municipalité. C’est alors que des habitants des villages de l’enclave du Poitou annoncèrent qu’ils avaient formé leur propre municipalité le dimanche précédent, et qu’ils entendaient conserver une municipalité propre à leur enclave ! Protestation indignée de Dupont de la Serve, qui affirma que « l’Assemblée Nationale avait décrété que les villages, paroisses et communautés qui avaient été mi-partie entre différentes provinces, se réuniront pour ne former qu’une seule et même municipalité au lieu où est situé le clocher ».

L’affaire fut alors portée, par une lettre détaillée, devant l’Assemblée Nationale : on demandait aux « seigneurs » de l’Assemblée de bien vouloir trancher ce litige. Nous n’avons pas la réponse. Peut-être n’y en eut –il pas ? Toujours est-il que les habitants de l’enclave du Poitou ne cédèrent pas, invoquant les lettres patentes du roi disant : « Il ne pourra être procédé à de nouvelles élections dans les lieux où elles se trouveront faites ». Cependant, ils promirent qu’à la Saint-Martin, date du renouvellement de la municipalité, ils se réuniraient à celle de l’Angoumois pour n’en former plus qu’une.



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