L'orphelin de jamais.
Première partie : Les plaies de l'aurore
.
© Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.




Extrait 3

[…] Sur le palier, un rayon filtra qui irisait ses cheveux en un léger contre-jour, la nimbant d’une aura de lumière et soulignant la délicatesse de ses traits.
    — Bon, j’y vais. Au revoir, papa. À ce soir, Mélanie.
     Pierre entr'aperçut la vieille dame qui se tenait dans l’encoignure de l’entrée. Il la connaissait de vue pour l’avoir croisée quelquefois et la salua de la tête. Au moment où elle s’avançait pour embrasser son père, celui-ci eut un geste d’abandon et la serra très fort comme pour étouffer ses scrupules : « Voulez-vous que je vous emmène avec la voiture ? »
    Les petites faiblesses ne font-elles pas partie des plus sobres vertus ? Quelle gloire auprès des copains ! Pierre se voyait descendre de la luxueuse automobile en si charmante compagnie. Mais la demoiselle coupa court à ses supputations :
    — Non, je vais faire le chemin à pied…
    — Bon, je dois y aller, maintenant, reprit son père, masquant son désappointement sous un sourire de circonstance.
    La route gardait des traces d’humidité par quelques flaques sombres qui çà et là se résorbaient sous un soleil pâlot. Ils marchaient côte à côte depuis deux minutes et ne s’étaient rien dit. Pierre, qui ne savait comment entamer la discussion, se décida enfin. Prenant son courage à deux mains et la regardant tout au fond des prunelles, il lança un mémorable « Ça va ? » qui, s’il avait le mérite de la concision n’en eut pas moins celui de servir d’amorce.
    — Tu parles si ça va ! répondit-elle d’un ton désabusé.
    — Tu sais, si t’as besoin, à l’école, faut pas te gêner, surtout. Même en dehors. Tu me demandes, c’est tout…
    — C’est gentil.
    Comme s’il avait mis tous ses atouts dans le même panier, il se trouvait à nouveau désarmé, ne voulant point paraître par trop empressé. Une auto les doubla, provoquant des éclaboussures. Sophie, qui avançait sur la chaussée, se déporta contre lui, mais trop tard.
    — Je le connais, c’est le père Marceau. Décidément, y a pas plus con ! Pas étonnant, il ferme toujours un œil quand il conduit ; si encore ça l’aidait à viser mieux ! T’es pas trop mouillée au moins ? Fais voir…
    Il prenait son rôle de protecteur très au sérieux. Alors, elle fit entendre un petit rire :
    — Pierre ?
    — Tu connais mon prénom ? dit-il, à la fois surpris et flatté.
    — On est dans la même classe, je crois.
    La nuance, un tantinet moqueuse, — était-ce à cause de cet accent pointu ? — à peine l’effleurait qu’il se reprit, inconsciemment encouragé par son attitude.
    — Si tu te jettes déjà dans mes bras !
    Elle haussa gentiment les épaules puis reprit :
    — Tu es drôle ! […]

RETOUR