ÉTYMOLOGIE DE LA GRÈNE (OU GRAINE)

La Grène à la Soutière (1974)

  Quelques hypothèses concernant l'étymologie de la Grêne (ou Graine)


La Grêne (en Charente) ou Graine (en Haute-Vienne) est un affluent de la Vienne qui borde au sud la commune de Chassenon.
Son cours de 26 km va des hauteurs d'Oradour- sur-Vayres à Chabanais, où elle se jette dans la Vienne au Brédin après avoir arrosé les communes de Rochechouart et de Pressignac.
Ce cours d'eau rapide, autrefois peuplé de truites et ponctué de moulins aux noms chantants (la Côte, la Maillerie, Laurière, la Brousse, la Chauffie, l'Habit, la Soutière, Léas, Cacharat), coule dans une vallée parfois encaissée, bordée de pentes fortes et boisées où l'on peut voir encore des carrières antiques et médiévales de brèches ou impactites. La Grêne traverse en effet « l'astroblème de Rochechouart-Chassenon », c'est-à-dire le cratère érodé de la météorite géante (1,5 km de diamètre) tombée il y a 200 millions d'années du côté des villages actuels de la Judie et de Valette, commune de Pressignac, et de Babaudus, commune de Rochechouart.

Mais d'où vient son nom ?


Jean-Henri Moreau, inventeur du site gallo-romain de Cassinomagus et président-fondateur des Amis de Chassenon, avait fait le rapprochement avec Grannus, dieu gaulois romanisé des eaux thermales, sachant que ce dieu était fréquemment associé ou même confondu avec Apollon. Or J.H Moreau était convaincu ( à tort) que les thermes et le sanctuaire de Cassinomagus étaient placés sous la protection d'Apollon qu'on venait prier au temple de Montélu.
Cependant, en 1987, une inscription latine trouvée à Limoges (Augustoritum) près de l'ancien aqueduc gallo-romain, associe non pas Apollon, mais le dieu Mars, à Grannus.
Et en 2012, l'archéologue David Hourcade découvre une stèle sur le site des thermes de Cassinomagus, avec une inscription où il est question d'une dédicace au dieu Mars, associé à Grannus ,  comme à Limoges. (Stèle désormais visible dans une vitrine du pavillon d'accueil de « Cassinomagus-parc archéologique »)



En voici le texte, la traduction et l'explication :


 [Numinib(us) Augusto]r(um) Marti Granno Vi|[ctori et dea]e Cobrandiae | […]rinus Scauri filius | [… et D]ubnodaga fili | [… c]um suis orna|[mentis omnibus] de sua pecun(ia) ded(erunt).

« Aux puissances divines des Augustes, à Mars Grannus Victor et à la déesse Cobrandia, [_ ]irinus, fils de Scaurus, [_ ] et Dubnodaga ses fils, ont offert ces thermes(?)avec tout leur décor, à leurs frais » (traduction de David Hourcade et Louis Maurin. Aquitania n° 29, 2013)

Cette magnifique stèle en calcaire, dont il ne reste malheureusement que la moitié droite, devait être insérée dans la face interne du grand mur de façade Est des thermes, à l'intérieur de la vaste salle qui accueillait les curistes à leur arrivée dans le bâtiment. Ils pouvaient donc y lire le nom des évergètes ou mécènes (Qui ? rinus fils de Scaurus et Dubnodaga ses fils) qui avaient financé la construction et la décoration des thermes, mais aussi le nom des divinités protectrices : une mystérieuse déesse gauloise Cobrandia,( sans doute liée au culte des eaux) et le « couple » gallo-romain Mars Grannus Victor.
Car le dieu Mars n'était pas uniquement le dieu de la guerre, mais aussi le dieu protecteur et guérisseur, victorieux du mal, invoqué près des sources thermales, et associé parfois au dieu d'origine gauloise Grannus, à qui l'on prêtait les mêmes pouvoirs.

Donc Grannus a très bien pu donner son nom à la Grêne ou Graine...

                                                                                                                        © André Berland (2015)



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