Gérard Frugier
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Né en 1945 à Limoges, a fait des "études trop secondaires" au lycée Gay-Lussac de cette ville. Préfère le rock and roll à la musique et la manille au "je". Il publie des poèmes à partir de 1960. En 1974, sonrecueil "Poison soleil" fut remarqué notamment par Maurice Carême et Pierre Boujut de la "Tour de feu". En 1976, cité comme "représentatif de la jeune école poétique limousine" dans "l'Histoire du Limousin et de la Marche". De 1991 à 1994, lauréat de divers concours de poésie, notamment du concours "Renoir", patronné par Analogie.

Écrivain et poète discret, depuis l’adolescence, Gérard Frugier vit depuis toujours dans le quartier du Grand Treuil, non loin de la gare des Bénédictins à Limoges, dans une belle maison aux allures campagnardes qui porte sur sa haute grille le nom prometteur de « La Dive », où, avec son épouse Christiane, il aurait pu recevoir Rabelais ou Georges Fourest autour d’un bon plat et de quelques déllicieux flacons. Collectionneur, bibliophile averti, grand connaisseur de la littérature du Limousin de toutes les époques, il a conservé de sa jeunesse un amour invétéré pour le rock’n roll.
Son écriture nostalgique et poétique, classique et belle, lyrique, sait raconter — parfois avec humour, parfois convoquant le fantastique — les souvenirs d’enfance, d’adolescence et de jeunesse, comme le firent avant lui Tolstoï ou Georges-Emmanuel Clancier et bien d’autres. On lit ses courts textes avec plaisir, parfois mélancolie, un demi-sourire aux lèvres. C’est incontestablement un auteur de grand talent.
Oui, l’enfance est là et tous les souvenirs sont évoqués, à sa hauteur, agréables, mystérieux ou presque tragiques, comme la quasi noyade dans une eau froide. L’enfance accompagnée par les arbres et les rivières, des abreuvoirs séculaires hospitaliers aux salamandres, celle à travers le jardin de l’Evêché à Limoges. L’enfance des colonies de vacances journalières. L’enfance du Limousin et du Périgord. L’enfance merveilleuse où l’on tient la main de son père, de sa mère, où l’on serre celle du grand-père retraité après sa partie de manille. Celle dont la nostalgie parfois douloureuse incite aà écrire et à se remémorer cette époque où « le temps coulait lentement, pareil aux eaux du bief approchant de l’écluse d’un moulin arrêté. » Nostalgie encore de l’adolescence et de la jeunesse, du cacolac bu avec Lou, du lycée Gay-Lussac, du questionnement sur les règles des filles, de l’onanisme, de la musique des Shadows, « de la jeune fille tant aimée avant la caserne », de Lula et du be-bop.
L’écrivain est au centre d’un univers bien circonscrit o
ù naissent la poésie et l’enchantement : sa maison chargée d’une belle histoire familiale, son jardin arboré, fleuri et peuplé de petites bêtes, lézards, oiseaux, chats. Ici passent les jours et les ans, au fil des saisons inspirantes. Non loin, l’ancienne route d’Ambazac — alors presque un village longiligne —, chère à son cœur, celle de son école primaire, La Monnaie, bordée par les voies de chemin de fer.
Rue qu’il a en partage au moins avec Georges-Emmanuel Clancier qui y venait jeune et avec moi puisqu’elle fut aussi ma « rue d’enfance » qui nous inspira tous les trois, tandis que, de son côté, Antoine Blondin arpentait la gare des Bénédictins et son buffet.
Mais l’auteur n’oublie jamais l’histoire, celle des siens, d’abord, comme celle du père aimé, résistant, celle des luttes sociales et de la Seconde Guerre mondiale en Limousin. Et lorsqu’il sort, le voici allant vers les grands espaces, vers les cours d’eaux poissonneux où, semblable à Pierre Bergounioux, il aime pêcher les truites pareilles à des palettes impressionnistes.
Oui, ici la fantaisie et la po
ésie triomphent, par exemple lorsqu’il s’agit pour le narrateur de se promener « autour de [s]a tête » et de la contempler de l’extérieur dans un texte surréaliste ou dadaïste – après tout, Raoul Hausmann est bien passé par Limoges et, dès 1919, il avait réalisé « Mechanischer Kopf/ Tête mécanique (L’esprit de notre temps) ». Quand, aussi, le calvaire de pierre, dans un autre texte, impose l’humilité et rappelle cruellement le nom de Dieu. Quand, encore, un inquiétant dépanneur conduit jusqu’aux allées du cimetière de Louyat.
Et lorsque le lyrisme abonde et semble tout emporter dans sa beauteé, servi par un riche vocabulaire et des métaphores flamboyantes, Gérard Frugier sait revenir au réalisme prosaïque, comme « le chat qui [l]e garde reste là, impavide, le nez dans les fleurs. » Un art de la chute jamais démenti et toujours surprenant.
Gérard Frugier est un écrivain de très grand talent, un poète semeur d’or et de roses, un funambule qui oscille entre joie et désespoir, entre grands rires et sanglots, magie et maléfices, dont les textes profonds procurent au lecteur un grand plaisir.


Laurent Bourdelas / Historien et écrivain.







Jacques Goudeaux & Gérard Frugier en 2003

6 de ses poèmes ont été mis en musique par Jacques Goudeaux et figurent sur ce site.
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